lundi 4 mai 2009

« Quel est le sens de votre vie ? »


Le Personal Branding est l’application des principes de gestion de marque (problématiques d’image, de réputation et de positionnement) à la gestion de l’identité numérique. Face à la vacuité de ce concept (faire son auto-promotion, et après ?), le Personal Branding se fait le prétexte d’une démarche de définition de l’identité dans son ensemble.

« Quel est le sens de votre vie ? », « Qui sommes-nous réellement ? » : ces interrogations font pour certains blogueurs partie intégrante d’un bon Personal Branding. Cette réflexion « de fond » aurait pour but d’aider l’individu à exprimer son « Moi » profond, son « diamant » intérieur, le noyau (nombril ?) de son individualité, afin de lui donner « la confiance et la sérénité » nécessaires à l’accomplissement de ses aspirations. C’est le concept de Personal Discovery (cf. Me 2.0, Dan Schawbel), versant New Age du Personal Branding.

Force est tout d'abord de reconnaître que le Personal Branding est aujourd’hui une technique commerciale très efficace : la visibilité sur Internet est devenue un enjeu majeur dans tout projet professionnel d’envergure, et la cohérence de cette visibilité est une garantie d’être pris au sérieux dans sa recherche d’emploi, dans ses activités professionnelles et extra-professionnelles. De là à parler de développement personnel, il y a un cap qu’un consumérisme nombriliste et un certain désœuvrement 2.0 aident à franchir, naturellement sous la bénédiction des évangélistes du web.

Pour les adeptes du Personal Branding, réduire le phénomène à une question de visibilité marketing serait une erreur : il s’agit d’une réelle opportunité pour se définir en tant qu’individu. Mais les excès du développement personnel portent en germe un relativisme pathétique qui n’a rien de commun avec les prétentions d’authenticité des « personal brandés ». Tenter de prendre intellectuellement le contrôle de l’image que l’on véhicule auprès des autres est bien une quête perdue : celle de l’apparence (« self-packaging »).

L’image d’un individu, à la différence d’une image de marque, n’a en réalité rien d’unifié, et c’est pour le mieux, même si les personal brandés semblent très angoissés à l’idée d’être mal perçus. Notre image est d’ailleurs tellement multiple que le meilleur « positionnement » est d’être ouvert à tout, sans capitaliser sur une quelconque forme d’identité. Mais plus encore, l’image d’un individu (encore une fois à la différence d’une image de marque) n’a rien d’une richesse, même si elle a l'apparence du luxe. Améliorer l’emballage est mensonger si le contenu (formations, parcours professionnel, réalisations, rencontres) reste le même, et superflu si le contenu parle de lui-même. Le Personal Branding n’est ainsi bien souvent pour l’individu qu’un pas moutonesque de plus vers le virtuel.

Faut-il donc voir dans ce phénomène un vain culte de l’Homme et de l’Enthousiasme, un cache-misère pour l’esclave de l’altérité, la flatterie dérisoire d’un ego virtuel ? A vrai dire, la pratique est ludique, utile et aujourd’hui quasi-incontournable : elle serait même triviale si elle n’essayait pas, pour se vendre, de se donner bon fond. Un seul conseil, donc : ne méprenez pas l’outil pour la fin et ne laissez jamais le web être la béquille du « courage d’être soi ».


EN EXCLU: 5 conseils de Personal Branding selon Dan Schawbel

· Découvrez votre marque : ayez confiance en vous, connaissez votre valeur, fixez vos objectifs et détaillez votre stratégie marketing. Tout ça est très « inspirational », centré sur la confiance en soi et le « positive thinking » : THE BRAND IS YOU AND YOU ARE THE BEST !

· Créez votre marque : mettez vos outils en forme, bloggez et réseautez. Dan Schawbel nous parle du blog et des réseaux sociaux comme outil de com’, donne des conseils sur la forme (soyez lisse mais hyper-connecté) en nous précisant tout de même de ne pas oublier le contenu (qu'il faut pomper et saupoudrer de multimédia) : de la vraie stratégie de marque pour les Millenials.

· Communiquez autour de votre marque : constituez-vous une revue de presse et maintenez des relations de qualité. La partie un peu « PR » (Public Relations) du livre : soyez toujours plus lisse et, surtout, commencez à networker dans la vraie vie (une révolution).

· Préservez votre marque : gérez au mieux votre identité numérique et vos activités online, ou comment éviter les écueils de l’activité web grâce à des conseils simples et efficaces (pour éviter le piratage, par exemple, essayez de choisir des mots de passe longs et compliqués).

· Changez de vie ! Soyez « Vous 2.0 » et devenez définitivement un ouf du web. Votre « Vous 1.0 » est mort et enterré, de toute façon à l'époque vous étiez un gros con, comme le type de gauche dans la nouvelle pub Mac.

6 commentaires:

Anonymous Eve Nicolas-Hérondart a dit...

Je ne vais pas sombrer dans la tendance bloguesque de l'encensement systématique de tout article commenté. Je ne commencerai donc pas cette réaction en t'assurant, cher Think Tank, de l'intérêt profond suscité par ton article. D'autant plus qu'il n'est absolument pas 2.0 correct : tu critiques! pire tu railles! quelle audace! je ne parierais pas sur le succès de tes publications si tu ne rentres pas vite fait dans le rang...

Allons soyons sérieux, j'ai bien envie de poursuivre sur l'incongruité du parallèle établi par Dan Schawbel entre "personnal branding" et "développement personnel" : le chemin vers soi étant tout sauf exposition narcissique, création de liens virtuels ou assimilation de l'identité à une marque.

La marque est périphérie quand la définition de l'identité ne passe que par l'intériorisation. Elle est figée là où l'identité est floue et en questionnement permanent. Elle est artifice quand le soi est profondeur...

Le personnal branding est un marketing personnel, ni plus ni moins. Il peut répondre à de multiples objectifs (recherche de job, lancement d'une entreprise ou d'un projet etc.) et peut être extrêmement efficace. Il ne saurait en revanche servir d'autres objectifs que ceux-ci et certainement pas celui d'une meilleure connaissance de soi de l'utilisateur.

La lecture faite par Dan Schawbel du personnal branding me semble donc être l'illustration criante de la dérive égotique, de la pauvreté relationnelle et du vide existentiel souvent prégnants chez certains des membres, malheureusement parmi les plus actifs, du Web 2.0.

4 mai 2009 à 10:01  
Anonymous Jérôme F. a dit...

La question du "personal discovery" me parait futile pour la grande majorité des internautes. Seule une poignée d'entre eux ont une véritable vie virtuelle, et ont donc besoin d'une identité numérique. Pour les autres, marquer leur présence suffit.

Si l'on prend les chiffres de Forrester pour l'Europe, 14% seulement des internautes sont des "créatifs", 19% sont des "critiques" et 16% des "joiners" - membres de réseaux sociaux (http://www.forrester.com/Groundswell/ladder.html).

Faire partie d'un réseau social se résume souvent à socialiser en ligne avec ses amis du monde réel, et à retrouver l'adresse de son profil dans les résultats Google.

Les critiques s'exposent eux bien davantage, en laissant derrière eux des empreintes digitales quasi-ineffaçable sur les blogs et forums. Mais parce qu'ils se cachent souvent derrière des pseudonymes qu'ils changent à volonté, ces auteurs masqués ne ressentent pas de gêne. Ils ne sont pas identifiés, ils ne se sentent donc pas jugés.

A ces deux segments, on recommande désormais d'avoir une identité numérique, ou plutôt une présence officielle minimale sur la Toile. Le risque est trop grand qu'un beau matin, on trouve son nom associé à un contenu indésiré - une photo compremettante, un ami trop bavard, ou une simple usurpation d'identité.

S'approprier les premiers résultats d'une "vanity search" est devenu un must. C'est du moins ce que nous vendent les vieux media parano. Pour 95% des internautes, le personal branding consiste à donner une image virtuelle à une existence exclusivement réelle. Pour eux, le Web ne change pas la question de son identité et du sens de sa vie. Il s'agit alors bien d'un "pas moutonesque vers le virtuel".

Pour les créatifs, c'est une autre paire de manche. Ces internautes s'exposent sous leur propre nom ou un alias unique. Il ont une véritable existence numérique, publique et indélébile. Ils remettent sans cesse en question leur image et leur visibilité: comme un marketeer pour son produit, il leur faut se différencier, et garantir visibilité et fiabilité.

En ces termes, le personal branding est tout à fait louable , mais on a tendance à n'en retenir que les mauvaises pratiques. L'ironie est que dans billet, l'auteur emprunte et condamne le raccourcis branding = technique de vente! Mais je le rejoins parfaitement lorsque dans les paragraphes 4 et 5, il considère que le branding devrait être utiliser pour "donner du sens", plutôt que de booster la visibilité.

Il me semble d'ailleurs le Web évolue dans ce sens.

D'abord, les internautes ont pu s'offrir une publicité avec les blogs qu'aucun média n'avait pu leur donner auparavant: gratuits, accessibles à tous et de partout, publiés par syndiaction, email ou podcast, enrichis de musiques et de vidéos, etc. "Les Tribulations d’une caissière" est un bon exemple de la possibilité de définir une identité et de donner du sens à sa vie à travers un blog (http://fr.techcrunch.com/2008/01/13/fr-decouverte-blog-les-tribulations-dune-caissiere). Avec son succès, la blogosphère a attiré tous les vendeurs de rêves au point d'être saturé: plus de 150 millions de blogs, une course effrénée à l'audience et aux commentaires, le blog-CV devenus indispensable au recrutement, invasion des badges et widgets sociaux. La course à l'audience a alors migrée vers Twitter, où l'on pense que le nombre de "followers" indique la valeur d'un utilisateur.

Fort heureusement, le Web évolue, et de nouveau services apportent du sens en favorisant la conversation au détriment de la seule visibilité.

Le service le plus avancé en la matière est Frienfeed (http://www.techcrunch.com/2009/04/12/you-will-be-using-friendfeed-in-the-future-but-it-may-be-called-facebook). C'est d'ailleurs dans cette communauté que l'on débart de l'absurdité de la course à l'audience (http://friendfeed.com/scobleizer/df663be1/last-night-i-bought-into-meme-that-of-followers et http://friendfeed.com/jowyang/855c606d/organizing-twitter-search-by-authority-is).

Il faut savoir s'adapter pour trouver chaussure à son pied. S'informer de ce qui existe, essayer les nouveaux services, connaitre leurs fonctionnalités, etc. Pour preuve, ceux qui se "vendent" le mieux se réinventent tout le temps. Je ne crois pas que "prendre le contrôle de son image est une quête perdue", si l'on utilise le Web comme comme une plate-forme de discussion, plutôt qu'un simple moyen d'émission. Sur Friendfeed, par exemple, vous êtes amené à assumez votre identité sous toutes ses coutures, en agrégeant les services par lesquels vous vous exprimez et les discussions auxquelles vous participez. Il ne s'agit pas d'unifier l'individu, mais de "l'identifier". On sait où vous trouver, on sait ce que vous dites, et si vous vous assumer, votre personal brand devient cohérente.

Vous ne controlerez pas ce que les autres disent de vous: comme dans le monde réel, chacun peut répéter, s'approprier, ou détourner vos propos, mais si l'on sait mettre un nom derrière vos propos et accéder à créations et discussions (articles, commentaires, vidéos, favoris), alors vous avez votre marque personnelle.

5 mai 2009 à 10:55  
Anonymous Dr Dre a dit...

BULLSHIT

Vous êtes les suppôts de l'idéologie économico-politique dominante appliqué au Web, ton commentaire (@Eve Nicolas-Hérondart) est fallacieux et grandiloquent, tes références (@Jérôme F.) conformistes, tes postulats intello (@Think Tank) déconnectés de la réalité du web 2.0.

Un leitmotiv et un seul :
NO LOGO
ni web, ni print, ni fucking nothing

6 mai 2009 à 02:07  
Anonymous jeromeflipo a dit...

Dr Dre, tu peux développer sur le conformisme des références?

Il s'agit des statistiques, d'un blog banal, d'une analyse d'un service Web, et deux discussions ouvertes à propos du phénomène Twitter.

Je suis preneur si t'as des références "alter" en matière de partages de créations virtuelles. Ne cherche pas de lien entre le branding des multinationales et le fait de se rendre accessible sur Internet - tu vas t'épuiser pour rien. Évite aussi "4chan FTW".

PS: Do not feed the trolls, je sais...

6 mai 2009 à 10:39  
Anonymous Dr Dre a dit...

Je feed ce que je veux :

- sur le développement du conformisme des références, tu le fais toi même en fait : "Il s'agit des statistiques, d'un blog banal, d'une analyse d'un service Web, et deux discussions ouvertes à propos du phénomène Twitter."

- sur "le lien [à ne pas faire] entre le branding des multinationales et le fait de se rendre accessible sur internet" : le personnal branding n'est pas uniquement assimilable au fait de se rendre accessible sur internet et NO LOGO ne se réduit pas à une diatribe contre le branding des multinationales. L'ouvrage se veut bien plus une dénonciation du branding en tant que tel ; s'il le fallait, l'étude de cas de la cauchemardesque prise en main du Chili par la marque politique américaine avec les conséquences que l'on connait suffirait à recentrer le débat sur des questions philosophique ou idéologique, c'est selon, illustrés par le discours "brandant", qu'il parle de soi, de marques ou de politique.

12 mai 2009 à 07:48  
Blogger Stan Jourdan a dit...

Billet très intéressant, et bon complément de Jérôme.

Je rectifierai juste un élément sur ce commentaire : au sujet de se "différencier", je verrais plutot le terme "s'affirmer". car à mon sens le personnal branding ne signifie pas nécessairement de se différencier comme pour un produit afin d'échapper à la concurrence en se positionnant sur un marché de niche.

Dans cette optique, on risque alors de tomber dans l'originalisme qui vise uniquement à vouloir se démarquer dans cette fin unique.

En revanche, s'affirmer, c'est assumer ses opinions et sa personnalité (quite à déplaire parfois).

Mais au fond, chacun ayant sa personnalité, on se différencie donc tous un peu dès le départ...

Pour le reste, j'approuve globalement le sens du billet.

13 mai 2009 à 13:16  

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