mercredi 27 mai 2009

Guerilla, Bullshit et Conversation marketing

Le Web est depuis toujours une véritable pépinière pour les innovations marketing les plus massives, les plus intrusives et les plus charlatanesques.

Le chroniqueur canadien Patrick Lagacé mentionnait il y a peu l’anecdote d’un blog monté de toutes pièces par une agence de communication, qui l’a d’abord fait passer auprès des visiteurs pour une initiative spontanée alors qu’il s'agissait d'une plate-forme de promotion pour le lancement d’une activité de vélos en libre-service. Patrick pose tout haut la question de l’emploi du mensonge et de « la bullshit » dans des pratiques marketing que l’éthique n’arrive à condamner qu’avec un temps de retard. Il parle même de tactiques « undercover » de marketing « de guérilla », que l’atomisation des marchés et la socialisation du web permettent et relaient inconsciemment, négligeant la plus basique exigence de véracité du propos au profit de l’effet de mode. On ne peut certes pas s’étonner, dans une société de loisir et d’information, que les entreprises se jouent des modes et des codes pour capter le « temps de cerveau disponible » des internautes. Le marketing « ambiant », logique évolution de stratégies commerciales toujours plus intelligentes et compréhensives, n'est pas ici en cause : le véritable point d’achoppement est le marketing de la conversation.


Illustration de bullshit (trouvé sur le blog sus-cité) :

FailCom dit : « J’aurais aimé être informé dès le début que vous faisiez la promotion d’un produit. Faire de faux blogs pour la promotion d’un produit, c’est un peu comme de la pub mensongère, non ? »

L’équipe BIXI dit : « On ne fait pas la promotion d’un produit. On invite les gens à s’intéresser au vélo libre-service! […] Pour une fois qu’on fait ici quelque chose qui est reconnu internationalement. Cessons d’être négatif …et roulons tous à BIXI. on a le pouvoir de changer la ville. Faisons-le ensemble. […]
Le blogue n’a jamais été un faux blogue. Tout ce qui y est écrit est d’intérêt pour la communauté du vélo à Montréal. Il n’y a rien de mensonger dans l’information qu’on y trouve. Nous avons toujours voulu être respectueux de nos lecteurs. C’était, bien humblement, la seule façon qu’on avait de vous intéresser à notre projet et il semble qu’on ait réussi. Des milliers d’adeptes du vélo comme vous nous ont suivi sur notre blogue. Nous en sommes heureux. Il fallait qu’on attire votre attention et ce n’était pas évident dans cette jungle du web.
Si on veut que BIXI change la ville, il faut que nous soyons des milliers à rouler tous les jours à BIXI. Nous espérons que vous serez vous aussi un adepte de ce nouveau mode de transport qui est pour nous…un nouveau mode de ville.
[…] Revenez nous voir. Encore mieux, abonnez-vous sur BIXI.com »


S’il est clair que la sphère privée de l’internaute, virtuellement reliée au marché de la consommation, est forcément perméable aux signaux émanant du monde de l’entreprise, il n’est aucune raison pour que l’internaute soit le récipiendaire mal informé de « la bullshit » des entreprises. Certains diront d’ailleurs que cet état de fait n’est pas durable et que toute activité corporate gagnera au final (notamment en termes de notoriété et d’utilisation des communautés) à être transparente. Cependant cela ne changera rien à la panoplie d’hommes-sandwiches qu’enfilent, volontairement ou non, les internautes pris sous le feu de la publicité version 2.0.

Nos données personnelles, captées par des moyens souvent à la limite de l’éthique, sont la pierre angulaire d’un mainstream (un flux central) mercantile, porté par l’innovation et épaulé par les grands groupes, dans lequel le consommateur est plus que jamais un agent abstrait que l’on abreuve de contenu. Ce sont également nos données personnelles qui sont la source de l’essor du Web social, là où le nouveau mainstream prend corps. La frénésie de l’étiquetage classifie progressivement notre environnement selon des termes (tags) creux : l’internaute construit son identité comme on remplit un caddie, il devient un nuage de données marketing exploitable. Rien de plus anodin après tout, c’est même l’utopie fondatrice de l’économie de marché que de tendre à une information totale sur le jeu de l’offre et de la demande.

Ces nouveaux modes de « consommation induite par l’identité » créent toutefois pour l’individu un cadre de vie (au moins virtuelle) de plus en plus déterministe : dans ce décor où le consumérisme peut se fondre sans violence et où l’approximation et la bullshit permises par le Web conversationnel rendent interminable toute recherche de vérité, il est possible que le vernis de loisir du web cède un jour pour nous révéler un vaste cimetière intellectuel. Car entre le guerilla marketing, la démocratie numérique et la bullshit en barres, le mainstream n’aura jamais su faire qu’une chose : se vulgariser.

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mardi 12 mai 2009

« Chuck, we got a new kind of Screamer »


RepRap, ou la machine qui se réplique. Et qui bouleversera toute notion de production.

RepRap est une imprimante 3D (par dépôt précis de couches de plastique fondu) depuis peu capable de produire ses propres composants. Certes pas en totalité, mais les autres pièces sont peu chères et, si la fabrication d’une RepRap demande certaines connaissances en électronique et en informatique, son usage est à la portée d’un enfant puisqu’une interface informatique se charge de transmettre les modèles de fabrication à la machine.

Le dilemme éthique (plus commercial qu’éthique à vrai dire) que peut représenter une machine capable de se répliquer a été clairement résolu par les fabricants : les composants de RepRap ont été réduits au plus économique, la technologie est en open source et l’usage n’en connaîtra aucune restriction. Pour les créateurs, RepRap devait être gratuite parce que sa présence est virale et au service des communautés, qui gravissent grâce à elle « le premier barreau de l’échelle industrielle ».

RepRap pourra bientôt produire des pièces de métal, et se verra accompagnée d’une déchiqueteuse qui réduira le plastique en granules réutilisables : il sera ainsi possible, comme le décrit le créateur Adrian Bowyer, de recycler les chaussures d’un enfant dès qu’il grandit pour fabriquer une nouvelle paire à sa taille. De nombreuses applications sont probablement déjà développées et le meilleur est à venir, tant RepRap semble un point de départ idéal pour que les communautés défavorisées par la mondialisation développent enfin des solutions d’auto-subsistance réelles, un potentiel industriel durable et une autonomie technologique ouverte à l’innovation.

Mais à voir cette technologie libre d’accès, le rapport personnel à l’outil qu'elle instaure (on dit qu’il existe dans le monde une centaine de RepRap créées par des communautés), le goût de l’assemblage, de la combinaison, de l’expérimentation et de la réutilisation qu'il sous-entend, RepRap est une initiative tout aussi bienvenue pour les communautés occidentales post-modernes ayant épuisé tous les espaces publics, y compris celui du Web (avec une majuscule, comme Outil Omniscient de Divertissement), au point de vouloir aujourd’hui créer leurs propres réseaux balisés, où leurs lois s’appliquent, où leur vision s’accomplit et où le mauvais est recyclé pour créer du bon. C’est cet esprit de piratage des pseudo-réalités économiques par le bricolage libre qui sauvera les prisonniers du réseau. Ou échouera à les sauver.

Clairement, que cette innovation débouche à court terme sur une massification médiocre ou sur une récupération méthodique et spécialisée ne dépendra - comme toujours - que des utilisateurs, mais quoi qu'il en soit la RepRap reste un accessoire indispensable de l’aventurier post-apocalyptique. Ça et le recycle-pisse de Costner dans Waterworld.

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Entreprise 2.0, de la confiture aux cochons !


Ah, il est loin le temps où l’on pouvait tranquillement glander au bureau… Loin le temps où l’homme esseulé et ignorant qu’était l’employé 1.0 pouvait se permettre de télécharger la dernière saison de Lost pendant trois plombes, ou de chercher l’hôtel idéal pour un week-end avec une femme pas encore rencontrée sous prétexte de ne pas savoir où trouver le document ou la personne nécessaire à l’avancée de son projet…

Vous savez, dans ma mentalité d’employé 1.0, « l’information, (la bonne, la vraie) est une denrée rare que les collaborateurs s’arrachent : ils la stockent dans un fichier qui est jalousement protégé par un mot de passe, une arborescence complexe et un répertoire non partagé » (Fred Cavazza). Bah oui, normal quoi, pour des gens comme moi qui ont « été professionnellement entrainés à la rétention d’information (…) ça fait plus de 30 ans qu’on leur dit “vous êtes au centre de l’entreprise….mais si vous bougez un orteil on tire à vue” (Bertrand Duperrin). Effectivement, moi comme tout les autres on passait notre temps à se « débrouiller pour apparaitre comme indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise auprès de ses supérieurs. C’était jusque là le meilleur moyen de progresser dans la hiérarchie (en attendant que des places se libèrent au dessus) et de toucher sa prime de fin d’année ». (Ibid.)

Mais maintenant, Ô Misère et Damnation, c’est fini, bien fini. Méfie toi, homme du peu, homme du pire, homme du toi-rien-que-toi, penché au dessus de ta misérable condition d’araignée veule, perdue à la construction solitaire de la toile vengeresse destinée à piéger l’actionnariat vampirique (1) !

L’entreprise t’a vu, elle t’a compris et elle va t’aider ! Oui ! Elle va te donner, ici au travail, tout ce que tu aimes, là bas chez toi ! Car, pour continuer à pouvoir gagner dans ce monde global, « pour rester compétitifs [les philippins faisant concurrence aux chinois et les sri lankais aux indiens], il va falloir modifier nos habitudes, méthodes, outils de travails. » (Fred Cavazza)

Grâce à la pression sociale, les outils du 2.0 ont fait leur entrée dans l’entreprise et moi, employé nouveau né au 2.0, je suis invité à collaborer. Grâce à la génération Y « qui veut retrouver dans son cadre de travail des usages et des outils qui sont ceux de la sphère privée » (Bertrand Duperrin), l’entreprise s’adapte. « La vie "réelle" et la vie "en ligne" se confondent (…) pour une génération hyper connectée qui a tiré de cette expérience une prédilection pour le fonctionnement en réseaux, les échanges permanents, l'immédiateté du résultat » (Carlos Diaz). Donc, aujourd’hui, grâce à l’entreprise 2.0 qui importe les nouveaux outils du Web que j’aime tant à la maison, je peux tout faire comme chez moi, mais ici au taf ! Putain, c’est trop cool.

Avant j’évoluais dans un environnement hiérarchisé, plein d’obstacles, bureaucrate et inflexible alors qu’aujourd’hui je suis heureux dans une structure où l’information (donc le pouvoir) se partage, où elle circule librement, où la flexibilité et l’agilité sont à l’œuvre ! Passons sur le reste du fameux tableau entreprise 1.0 versus 2.0. et allons directement à la conclusion simple, limpide, que vous avez tous bien compris : avant c’était l’horreur et j’étais stupide de ne penser qu’à ma gueule, aujourd’hui j’ai raison d’avoir 1500 amis sur Facebook et je kiffe de collaborer avec mes collègues ! La vie est décidemment bien faite.

Heureusement, dans ce monde de changement, dans cette ère révolutionnaire qui voit naître l’entreprise du partage et de la collaboration en entreprise, on arrive quand même à être rassuré dans notre immense angoisse du changement par un fait pérenne et toujours d’actualité. On continue à nous prendre pour les derniers des cons ! Ouf ! Pour un peu, j’ai eu peur que ça aussi ça change. Mais non. Pas d’inquiétude. Tous les blogueurs sont unanimes sur le sujet.


La preuve par trois :

1. D’abord, on continue à me faire la leçon et à m’expliquer la vie comme si ce n’était pas vraiment moi, l’employé 1.0 de l’entreprise 2.0, ou vice-versa.

2. Ensuite, on continue à ne jamais se poser la question de mon fonctionnement au travail. Je suis comme je suis (je m’accroche au pouvoir, je le garde, je pense à ma gueule, je gère ma carrière et si l’entreprise prospère, tant mieux pour elle mais ce n’est pas mon objectif premier. «Bref, je suis responsable et indispensable. Rien se fait sans moi. C’est vous dire combien je rapporte à mon entreprise » (Bertrand Duperrin). Je m’oppose au changement par pur souci de mon bien être, alea jacta est.

3. Enfin (preuve par trois on vous a dit), on continue à me demander de m’impliquer, avec d’autres outils ou les mêmes que ceux que j’utilise déjà (pour les rejetons de la génération Y), au service d’un projet collectif qui persévère dans son objectif de profit, au détriment de l’intérêt que moi j’y porte ou de mon propre intérêt. Parce que l’entreprise 2.0 ou 352889.35, c’est toujours la même idée, non ? « Soyons clair : la préoccupation d’une entreprise en 2009 sera tournée vers sa performance, ses valeurs, sa vision du business et de son avenir. » (Bertrand Duperrin).


Droit de réponse. On commence par le 3ème point, on fera un détour par le 2nd et on conclura sur le premier. C’est parti ?! Alors :

3. C’est clair et c’est logique, l’entreprise a un objectif de profit, elle vise à sa propre survie, en tant que personne morale. Elle vise à maximiser un investissement au service des détenteurs de la manne financière originelle. Et c’est bien là qu’on commence à s’amuser. Si on tire le fil de cette logique de profit, que personne ne contestera en tant que finalité première de l’entreprise, il est évident que l’employé de ladite entreprise n’œuvrera à l’objectif commun qu’en développant sa propre appétence au profit et à la préservation de son intérêt. Reprocher à l’employé dit 1.0 de protéger son savoir, de chercher à acquérir du pouvoir et de faire le maximum de profit personnel, c’est remettre en cause l’incroyable faculté humaine d’adaptation à un contexte, en l’occurrence celui de l’entreprise capitaliste. (Ah, c’est bien ça, ce blog est un blog gauchiste !). En protégeant mon pré carré, je ne fais donc que m’adapter aux comportements de mes dirigeants et j’œuvre du mieux possible à la finalité du projet collectif auquel je participe en tant qu’employé.

2. Le déni du rapport de l’homme au travail est incroyablement présent dans la lecture bloguesque autour de l’entreprise 2.0. A tel point qu’on se demande si les auteurs en question se sont une fois posé la question de la théorie existante sur le sujet. Si une seule fois, ils se sont demandé si les comportements qu’ils méprisent auraient une explication logique. La centaine de commentaires laissés suite à la publication de l’entreprise 2.0 par Fred Cavazza aurait pu lui mettre la puce à l’oreille. Mais non. Ça aurait été trop beau pour être vrai. Allez, on reprend pour vous, petits lutins lubriques et mangeurs de critiques 2.0. Sur cette centaine de commentaires, deux et seulement deux sont à retenir : celui qui met en avant ce simple constat (en substance) « la collaboration en entreprise n’existe pas » et celui qui cite les travaux de Christophe Dejours. Le second expliquant le premier, un rappel des deux premiers principes développés par Monsieur Dejours dans son analyse des rapports de l’homme au travail ne sera pas inutile (2) :

La contrainte de clandestinité : si travailler, c’est s’écarter des prescriptions, c’est alors faire des infractions, infractions qui contraignent ceux qui les commettent à une certaine discrétion. Qui n’a jamais entendu dire en entreprise : « je ne veux pas de profils d’exécutant ! je veux que mes salariés aient de la valeur ajoutée, qu’ils apportent quelque chose de plus à mon entreprise ! » OK, mais quand tu me demandes ça, tu me mets en situation de risque, c'est-à-dire que l’initiative que je prends, jusqu’au moment où elle obtiendra ton aval, si elle l’obtient, doit être cachée. Sous peine d’un « mais putain, je ne t’ai JAMAIS demandé de prendre des initiatives ! »…

L’enjeu stratégique de pouvoir : c’est-à-dire la possibilité de conserver des savoirs exclusifs pour ne pas être dépossédé de son pouvoir sur tel poste de travail. Personne n’est irremplaçable ! Mais si ! Mais non : s’il y a une parcelle d’information qui fait de moi autre chose qu’un objet interchangeable, je serai vraiment stupide de le partager… C’est une question de dignité, la dignité de tout sujet.

Alea jacta est. Pour raccrocher les wagons, simplifions en paraphrasant : l’employé de l’entreprise lambda quêteuse de profit est soumis à des mécanismes défensifs (décrits ci-dessus) destinés à le protéger des contraintes structurelles liées à la finalité de l’organisation à laquelle il appartient et à le maintenir tant que faire se peut dans sa condition de sujet. Il n’est donc pas juste débile. Il essaie de trouver un sens à son action, en utilisant les mécanismes à l’œuvre autour de lui.

Une structure qui incorporerait des outils novateurs, 2.0 donc, et qui chercheraient à en imposer l’usage à ses équipes en leur faisant croire que cela vient d’eux (« bottom up » et non plus « top down »), sans même revoir le sens du travail et réfléchir aux rapports de ses employés à leurs tâches, ne ferait que renforcer un système dont la déficience alimente sa propre existence. Je critique l’entreprise 1.0 pour justifier l’intérêt de mettre en œuvre l’entreprise 2.0 qui renforcera pourtant le 1.0 en question. C’est le chat qui se mort la queue.

L’entreprise 2.0 telle qu’elle est définie dans une partie de la blogosphère, ce n’est donc rien moins qu’encore pareil ou « toujours plus de la même chose », pour faire sérieux et citer Watzlawick (3).

En bref et pour revenir à l’essentiel, concluons simplement en revenant aux vraies valeurs : avant dans l’entreprise 1.0, on se faisait mettre de haut en bas. Aujourd’hui grâce au 2.0, on est tous à la queue leu leu ! Merci l’entreprise 2.0 ! Progrès et Partouze, il n’y a décidément que ça de vrai …


(1) Spéciale dédicace stylistique à SR, dit Harmony pour les happy few…
(2) Christophe Dejours,
L’évaluation du travail à l’épreuve du réel. Critique des fondements de l’évaluation, Paris, INRA Editions, 2003.
(3) Paul Watzlawitck, John H. Weakland, Richard Fisch,
Changement, Paris, Seuil, 1981

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mardi 5 mai 2009

« Entreprise 2.0 »


Les pratiques de collaboration en entreprise s’orientent aujourd’hui vers des plates-formes à interfaces personnalisées de partage multilatéral de connaissances sous forme libre : wikis, réseaux sociaux, blogging, micro-blogging etc. Ces réseaux d’entreprise représentent une nouvelle donne en termes d’accès à l’information : managers comme salariés ont l’occasion concrète de se former à distance, de se renseigner sur l’ensemble du process de leur entreprise, de participer à des projets et de les coordonner, de nouer des relations et d’être confronté à des opportunités à la mesure de leurs efforts. Est-ce l'avènement de l'Entreprise 2.0 ?

Concrètement, le « 2.0 » représente pour l'employé l’occasion de se faire entendre sur des sujets qui rentrent dans son champ d’expertise parfois de manière très indirecte. Les évolutions les plus récentes annoncent ainsi une mise à contribution grandissante des salariés, également en termes d’évaluation (sondages etc.) et de formation, au sein d’interfaces de plus en plus complètes. Les outils « 2.0 » sont par ailleurs pour les managers un outil de motivation désormais établi, placé au centre de certaines politiques RH : c’est le concept de « l’Entreprise 2.0 ».

L’Entreprise 2.0 est pour le management une sorte d’effet Hawthorne : impliquer ses salariés dans une « expérience » (le passage d’un point de départ apparemment « 1.0 » : hiérarchisé, cloisonné et contre-productif, vers un horizon « 2.0 » : collaboratif, ouvert et interactif) les motive quel que soit le gain objectif de productivité dû à l’innovation. C’est également parce qu’il est clair que les outils 2.0, bien qu’incontournables (sous peine de rendre son système d’information obsolète), peuvent représenter pour l’organisation une perte de temps et un réservoir d’idées inutiles, que les experts du web défendent l’idée d’une révolution en profondeur des modes de comportement. En termes de management, il s’agit la plupart du temps de simple gestion du changement et des connaissances, mais la mystique 2.0 pense son propos comme un réel bouleversement du monde de l’entreprise.

Économiquement, certes, les modes de création de valeur ont incomparablement évolué du fait du web : co-conception, crowdsourcing et autres pratiques d’intelligence collective ont révolutionné la composante sociale du travail, et les relations entre les agents économiques se sont resserrées jusqu’à l’instantané. En comparaison, la validation RH de ces évolutions semble bien prude : networking perpétuel, éthique du gagnant-gagnant et décentralisation du travail sonnent comme un nouveau cadre de travail plutôt que comme le fantastique vivier d’opportunités ou la révolution globale que l’on nous dit être le web 2.0.

En clair, l’Entreprise 2.0 n’a rien à voir avec la fin de la coercition, de la concentration des pouvoirs, et de la confiscation des informations et des opportunités par les managers modernes. Elle est plutôt un moyen, face à la turbulence de nos systèmes d’information, de rediriger avantageusement les qualités informelles, créatives et interpersonnelles des salariés vers l’entreprise, sous un vernis virtuel ludique à destination de la Génération Y. Rien de neuf, que du vieux.


EN VF : Les 12 « réalités post-bureaucratiques » de Gary Hamel sont plus wébériennes qu’il ne le pense

1. [« TIBET LIBRE, PAR GOOGLE »]
"Toutes les idées sont sur le même pied d’égalité. Sur le Web, chaque idée a une chance d’être suivie – ou pas, et nul n’a le pouvoir d’étouffer une idée subversive ou un débat embarrassant. Les idées sont promues selon leurs mérites perçus plutôt que selon le pouvoir politique de leurs sponsors."

2. [« AVEZ-VOUS FAIT DES ETUDES DE CINEMA ? »]
"Les contributions comptent plus que les accréditations. Quand vous postez une vidéo sur YouTube, personne ne vous demande si vous avez fait des études de cinéma. Quand vous écrivez sur un blog, personne ne se préoccupe de savoir si vous êtes diplômé en journalisme. La fonction, le titre ni les diplômes, aucun des critères de statut habituels n’ont vraiment de poids sur Internet. Ce qui compte n’est pas votre CV mais le contenu de vos contributions."

3. [« WHO MADE YOU BOSS ? »]
"Les hiérarchies sont naturelles, pas imposées. Sur tout forum web, il y a des individus plus respectés et écoutés que d’autres, et donc plus influents. Cependant, ces individus n’ont précisément été nommés par aucune autorité supérieure. Au contraire, leur impact reflète l’approbation que leur témoignent librement leurs pairs. Sur Internet, l’autorité se diffuse vers le haut, pas vers le bas."

4. [« VOS SUIVEURS VOUS ABANDONNERONT »]
"Les meneurs aident plus qu’ils ne président. Sur Internet, tout meneur est un serviteur ; aucun n’a le pouvoir de commander ou sanctionner. Des arguments crédibles, une expertise démontrée et un comportement altruiste sont les seuls leviers pour pouvoir déléguer. Sur Internet, oubliez cela et vos suiveurs vous abandonneront bientôt."

5. [« NON, PATRON, CETTE TÂCHE NE M’INTERESSE PAS »]
"Les tâches sont choisies, pas confiées. Le web est une économie de libre choix. Qu’il s’agisse de contribuer à un blog, de travailler sur un projet open source ou de partager des conseils sur un forum, les gens choisissent de travailler sur ce qui les intéresse. Chacun est un contractant indépendant, et chacun pose sa griffe."

6. [« PERSONNE NE PEUT ME FORCER A TRAVAILLER AVEC UNE GOURDE »]
"Les groupes se définissent et s’organisent eux-mêmes. Sur Internet, vous choisissez vos compatriotes. Sur toute communauté online, vous avez la liberté de vous lier avec certains individus et d’ignorer les autres, de partager en profondeur avec certaines personnes et pas du tout avec d’autres. Tout comme personne ne peut vous confier une tâche ennuyeuse, personne ne peut vous forcer à travailler avec une gourde."

7. [« DU TEMPS DE CERVEAU DISPONIBLE »]
"Les ressources sont attirées, pas allouées. Dans une grande organisation, les ressources sont allouées de haut en bas, dans une bataille politique « Soviet-style » pour le budget. Sur Internet, l’effort humain se dirige vers les idées et projets attirants (et amusants), et s’éloigne de ceux qui ne le sont pas. En ce sens, le web est une économie de marché dans laquelle des millions d’individus choisissent, à tout moment, comment dépenser cette valeur précieuse que sont leur temps et leur attention."

8. [« VOUS DEVEZ LE FAIRE VITE »]
"Le pouvoir vient du partage de l’information, pas de sa détention. Le web est également une économie du cadeau. Pour gagner en influence et en statut, vous devez donner votre expertise et vos contenus. Et vous devez le faire vite ; si vous ne le faites pas, quelqu’un le fera avant vous, et recevra le crédit qui aurait pu être le votre. Sur Internet, il y a de nombreuses incitations à partager, et peu d’incitations à conserver."

9. [« LE MONDE OFFLINE N’EST PAS REELLEMENT INTELLIGENT »]
"Les opinions s’agrègent et les décisions sont examinées par les pairs. Sur Internet, les idées réellement intelligentes sont rapidement suivies même si elles sont perturbatrices. Le web est un médium presque parfait pour agréger la sagesse de la foule, que ce soit sur des marchés à l’opinion formellement organisés ou dans des groupes de discussion décontractés. Et une fois agrégée, la voix de la masse peut être utilisée comme bélier pour pousser dans leurs retranchements les institutions du monde offline."

10. [« LES INTERNAUTES SONT OPINIÂTRES ET VEHEMENTS »]
"Les utilisateurs peuvent s’opposer à la majorité des décisions. Comme beaucoup de magnats de l’Internet l’ont appris à leurs dépens, les internautes sont opiniâtres et véhéments, et attaqueront promptement toute décision ou changement de politique qui leur semble contraire aux intérêts de la communauté. La seule façon de préserver la loyauté des utilisateurs est de leur permettre de s’exprimer sur les décisions-clé. Vous avez beau construire une communauté, ce sont les utilisateurs qui en sont les propriétaires."

11. [« L’ARGENT, C’EST TRES BIEN, LA GRATITUDE, C’EST MOINS CHER »]
"Les récompenses sont ce qui compte le plus. Le web est un manifeste du pouvoir des récompenses intrinsèques. Pensez à tous les articles de Wikipedia écrits, à tous les logiciels open source créés, à tous les conseils donnés gratuitement, ajoutez-y les heures de volontariat et il est évident que les êtres humains donneront généreusement de leur personne si on leur donne une chance de contribuer à quelque chose à quoi ils attachent réellement de l’attention. L’argent, c’est très bien, mais la reconnaissance et la joie du travail bien fait également."

12. [« DES DROITS DIGITAUX INALIENABLES »]
"Les pirates sont des héros. Les grandes entreprises ont tendance à rendre la vie insupportable aux activistes et aux agitateurs, aussi constructifs qu’ils puissent être. A l’inverse, la plupart des communautés online soutiennent régulièrement les personnes qui affichent des opinions fortement antiautoritaires. Sur Internet, les mécontents à l’affut des scandales sont souvent salués comme des défenseurs des valeurs démocratiques d’Internet, en particulier s’ils ont réussi à pirater une ligne de code qui interférait avec ce que les autres considèrent comme leurs droits digitaux inaliénables."

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« Memory Gospel »


Californie, 2008. Suite à un attentat nucléaire, les États-Unis sont devenus un territoire hyper-sécurisé où s’opposent les forces gouvernementales et les guérilleros néo-marxistes.

Les deux factions sont manipulées par un scientifique fou dont l’entreprise exploite le « fluide karma », énergie étrange et hallucinogène dont l’utilisation en réponse à la crise pétrolière a ouvert une faille dans la quatrième dimension.

Deux hommes sont passés à travers cette faille et sont nés de nouveau : de la réconciliation de cette réalité schizophrène dépendra le déclenchement de l’Apocalypse.

Southland Tales est une histoire réticulaire d'apocalypse individuelle : pris dans un tourbillon pop, chaque personnage tente de réconcilier sa propre dualité, sous peine de ne jamais déjouer la fin du monde. Le film juxtapose les informations, superpose les couches et mêle les réalités dans le brouillard du « fluide karma » : chaque scène est une énigme, à l’esthétique rassurante mais au sens caché, portant en filigrane des réflexions sur le monde moderne (sexualité, contrôle de l’information, manipulation des pouvoirs et contre-pouvoirs, aliénation de l’individu) mais diffusant une atmosphère si paranoïaque que l’œuvre tout entière semble n’être qu’un fantasme sans réalité.

Dans Southland Tales, Internet se nomme USIdent : ce système d’identification et de communication à la solde d’un régime fasciste en guerre totale contre le terrorisme se charge de délivrer informations et distractions numériques au citoyen, dans une multitude de signes où se cachent parfois des vérités (et même des indices), mais toujours noyées dans un flot visuel constant.

Big Brother post-moderne, USIdent est une photographie mouvante d’un monde qui s’aliène et croule sous ses propres images : c’est en effet l’empilement d’informations dans le système informatique et dans l’esprit humain qui crée au final les conditions de leur apocalypse. Memory Gospel.

Un film 2.0, donc ?

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lundi 4 mai 2009

« Quel est le sens de votre vie ? »


Le Personal Branding est l’application des principes de gestion de marque (problématiques d’image, de réputation et de positionnement) à la gestion de l’identité numérique. Face à la vacuité de ce concept (faire son auto-promotion, et après ?), le Personal Branding se fait le prétexte d’une démarche de définition de l’identité dans son ensemble.

« Quel est le sens de votre vie ? », « Qui sommes-nous réellement ? » : ces interrogations font pour certains blogueurs partie intégrante d’un bon Personal Branding. Cette réflexion « de fond » aurait pour but d’aider l’individu à exprimer son « Moi » profond, son « diamant » intérieur, le noyau (nombril ?) de son individualité, afin de lui donner « la confiance et la sérénité » nécessaires à l’accomplissement de ses aspirations. C’est le concept de Personal Discovery (cf. Me 2.0, Dan Schawbel), versant New Age du Personal Branding.

Force est tout d'abord de reconnaître que le Personal Branding est aujourd’hui une technique commerciale très efficace : la visibilité sur Internet est devenue un enjeu majeur dans tout projet professionnel d’envergure, et la cohérence de cette visibilité est une garantie d’être pris au sérieux dans sa recherche d’emploi, dans ses activités professionnelles et extra-professionnelles. De là à parler de développement personnel, il y a un cap qu’un consumérisme nombriliste et un certain désœuvrement 2.0 aident à franchir, naturellement sous la bénédiction des évangélistes du web.

Pour les adeptes du Personal Branding, réduire le phénomène à une question de visibilité marketing serait une erreur : il s’agit d’une réelle opportunité pour se définir en tant qu’individu. Mais les excès du développement personnel portent en germe un relativisme pathétique qui n’a rien de commun avec les prétentions d’authenticité des « personal brandés ». Tenter de prendre intellectuellement le contrôle de l’image que l’on véhicule auprès des autres est bien une quête perdue : celle de l’apparence (« self-packaging »).

L’image d’un individu, à la différence d’une image de marque, n’a en réalité rien d’unifié, et c’est pour le mieux, même si les personal brandés semblent très angoissés à l’idée d’être mal perçus. Notre image est d’ailleurs tellement multiple que le meilleur « positionnement » est d’être ouvert à tout, sans capitaliser sur une quelconque forme d’identité. Mais plus encore, l’image d’un individu (encore une fois à la différence d’une image de marque) n’a rien d’une richesse, même si elle a l'apparence du luxe. Améliorer l’emballage est mensonger si le contenu (formations, parcours professionnel, réalisations, rencontres) reste le même, et superflu si le contenu parle de lui-même. Le Personal Branding n’est ainsi bien souvent pour l’individu qu’un pas moutonesque de plus vers le virtuel.

Faut-il donc voir dans ce phénomène un vain culte de l’Homme et de l’Enthousiasme, un cache-misère pour l’esclave de l’altérité, la flatterie dérisoire d’un ego virtuel ? A vrai dire, la pratique est ludique, utile et aujourd’hui quasi-incontournable : elle serait même triviale si elle n’essayait pas, pour se vendre, de se donner bon fond. Un seul conseil, donc : ne méprenez pas l’outil pour la fin et ne laissez jamais le web être la béquille du « courage d’être soi ».


EN EXCLU: 5 conseils de Personal Branding selon Dan Schawbel

· Découvrez votre marque : ayez confiance en vous, connaissez votre valeur, fixez vos objectifs et détaillez votre stratégie marketing. Tout ça est très « inspirational », centré sur la confiance en soi et le « positive thinking » : THE BRAND IS YOU AND YOU ARE THE BEST !

· Créez votre marque : mettez vos outils en forme, bloggez et réseautez. Dan Schawbel nous parle du blog et des réseaux sociaux comme outil de com’, donne des conseils sur la forme (soyez lisse mais hyper-connecté) en nous précisant tout de même de ne pas oublier le contenu (qu'il faut pomper et saupoudrer de multimédia) : de la vraie stratégie de marque pour les Millenials.

· Communiquez autour de votre marque : constituez-vous une revue de presse et maintenez des relations de qualité. La partie un peu « PR » (Public Relations) du livre : soyez toujours plus lisse et, surtout, commencez à networker dans la vraie vie (une révolution).

· Préservez votre marque : gérez au mieux votre identité numérique et vos activités online, ou comment éviter les écueils de l’activité web grâce à des conseils simples et efficaces (pour éviter le piratage, par exemple, essayez de choisir des mots de passe longs et compliqués).

· Changez de vie ! Soyez « Vous 2.0 » et devenez définitivement un ouf du web. Votre « Vous 1.0 » est mort et enterré, de toute façon à l'époque vous étiez un gros con, comme le type de gauche dans la nouvelle pub Mac.

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mercredi 29 avril 2009

« Run, Runner ! »


En 2274, dans une ville abritée sous un grand dôme, vit une race d’hommes élevés par les ordinateurs, qui ne vivent que pour le plaisir. Hors de ce dôme, la Terre, oubliée.

Sous le dôme, les drogues hallucinogènes sont gratuites et légales, le sexe est une activité prisée et fortement encouragée chez les citoyens, et les besoins de chacun sont pris en charge par les machines. Cette ville du futur est un jardin d’Eden virtuel, un monde parfait de plaisir et d’amusement… L’utopie ultime !

Un seul problème : à l’âge de 30 ans, chaque citoyen est exécuté pour faire la place à la génération suivante. Bien sûr, les citoyens ne peuvent pas connaître cette vérité ; aussi, l’ordinateur les convainc que par le rituel fatal du Carrousel ils renaîtront pour de nouveau vivre 30 ans d’hédonisme.

Des sentinelles sont chargées de détruire quiconque tentera de fuir le Carrousel : les fuyards sont tracés par des cristaux implantés dans la paume de leurs mains gauches, qui renseignent l’âge du porteur selon leur couleur. L’âge de 30 ans atteint, le cristal clignote et alerte l’ordinateur qui envoie ses sentinelles.

Logan est une sentinelle chargée par l’ordinateur central de localiser le « Sanctuaire », lieu de refuge supposé des fuyards. Condamné à la fuite (l’ordinateur avance l’horloge de son cristal et lui révèle le mensonge du Carrousel avant de le chasser de la ville), il découvrira quelle troublante liberté l’attendait au dehors et quel esclavage se dissimulait sous le dôme.

L’Age de Cristal (Logan’s Run, Michael Anderson, 1976) décrit une dystopie à la fois décadente et résolument moderne : la société du divertissement assisté par la technologie. Dans cet âge de cristal, le quotidien n’est qu’une répétition de loisirs: la ville ressemble à un grand centre commercial, les drogues et la luxure sont des activités mondaines et le Circuit, Internet futuriste, est une plate-forme également liquidatrice du rapport social puisqu’elle ne sert qu’à mettre en relation des personnes en quête de sexe.

Dans ce tableau hyperbolique du monde contemporain, les niveaux se mêlent : critique sociale (banalisation du sexe, abandon du pouvoir au profit de l’ordinateur central, qui assure la subsistance, les loisirs et la cohésion sociale, complaisance dans une illusion fermée au monde extérieur), quête spirituelle (la fuite de Logan est une nouvelle naissance dès lors qu’il échappe des griffes de l’ordinateur-mère) et références mythiques (Logan est à la fois Adam, Moïse et Jésus, et le vieillard qu’il rencontre lors de sa fuite semble n’être autre que Dieu, abandonné par les hommes réfugiés sous le dôme).

Le long métrage stigmatise en particulier les modes de vie égoïstes et l’illusion généralisée qu’encourage notre dépendance à la technologie. Sous ce double augure, l’humanité devient dans l’Age de Cristal une société de grands enfants sans autorité rationnelle ni traditionnelle - sans figure du père face à la technologie-mère - à laquelle se référer, et dont la soumission aveugle à l’autorité et à la pression sociale ne sera conjurée que par une libération douloureuse des mensonges confortables dont est déguisé leur mode de vie.

La technologie, si elle est omniprésente dans l’Age de Cristal, n’y a rien de technique : elle est, comme de plus en plus aujourd’hui, contrôlée par les autorités sociales et fournie aux masses comme un loisir individualiste et oisif. L’insouciance n’y est en réalité qu’une illusion, un pansement pour l’angoisse et un esclavage insupportable à quiconque ouvre ses yeux au monde.

Un film 2.0 donc ?

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