mardi 5 mai 2009

« Entreprise 2.0 »


Les pratiques de collaboration en entreprise s’orientent aujourd’hui vers des plates-formes à interfaces personnalisées de partage multilatéral de connaissances sous forme libre : wikis, réseaux sociaux, blogging, micro-blogging etc. Ces réseaux d’entreprise représentent une nouvelle donne en termes d’accès à l’information : managers comme salariés ont l’occasion concrète de se former à distance, de se renseigner sur l’ensemble du process de leur entreprise, de participer à des projets et de les coordonner, de nouer des relations et d’être confronté à des opportunités à la mesure de leurs efforts. Est-ce l'avènement de l'Entreprise 2.0 ?

Concrètement, le « 2.0 » représente pour l'employé l’occasion de se faire entendre sur des sujets qui rentrent dans son champ d’expertise parfois de manière très indirecte. Les évolutions les plus récentes annoncent ainsi une mise à contribution grandissante des salariés, également en termes d’évaluation (sondages etc.) et de formation, au sein d’interfaces de plus en plus complètes. Les outils « 2.0 » sont par ailleurs pour les managers un outil de motivation désormais établi, placé au centre de certaines politiques RH : c’est le concept de « l’Entreprise 2.0 ».

L’Entreprise 2.0 est pour le management une sorte d’effet Hawthorne : impliquer ses salariés dans une « expérience » (le passage d’un point de départ apparemment « 1.0 » : hiérarchisé, cloisonné et contre-productif, vers un horizon « 2.0 » : collaboratif, ouvert et interactif) les motive quel que soit le gain objectif de productivité dû à l’innovation. C’est également parce qu’il est clair que les outils 2.0, bien qu’incontournables (sous peine de rendre son système d’information obsolète), peuvent représenter pour l’organisation une perte de temps et un réservoir d’idées inutiles, que les experts du web défendent l’idée d’une révolution en profondeur des modes de comportement. En termes de management, il s’agit la plupart du temps de simple gestion du changement et des connaissances, mais la mystique 2.0 pense son propos comme un réel bouleversement du monde de l’entreprise.

Économiquement, certes, les modes de création de valeur ont incomparablement évolué du fait du web : co-conception, crowdsourcing et autres pratiques d’intelligence collective ont révolutionné la composante sociale du travail, et les relations entre les agents économiques se sont resserrées jusqu’à l’instantané. En comparaison, la validation RH de ces évolutions semble bien prude : networking perpétuel, éthique du gagnant-gagnant et décentralisation du travail sonnent comme un nouveau cadre de travail plutôt que comme le fantastique vivier d’opportunités ou la révolution globale que l’on nous dit être le web 2.0.

En clair, l’Entreprise 2.0 n’a rien à voir avec la fin de la coercition, de la concentration des pouvoirs, et de la confiscation des informations et des opportunités par les managers modernes. Elle est plutôt un moyen, face à la turbulence de nos systèmes d’information, de rediriger avantageusement les qualités informelles, créatives et interpersonnelles des salariés vers l’entreprise, sous un vernis virtuel ludique à destination de la Génération Y. Rien de neuf, que du vieux.


EN VF : Les 12 « réalités post-bureaucratiques » de Gary Hamel sont plus wébériennes qu’il ne le pense

1. [« TIBET LIBRE, PAR GOOGLE »]
"Toutes les idées sont sur le même pied d’égalité. Sur le Web, chaque idée a une chance d’être suivie – ou pas, et nul n’a le pouvoir d’étouffer une idée subversive ou un débat embarrassant. Les idées sont promues selon leurs mérites perçus plutôt que selon le pouvoir politique de leurs sponsors."

2. [« AVEZ-VOUS FAIT DES ETUDES DE CINEMA ? »]
"Les contributions comptent plus que les accréditations. Quand vous postez une vidéo sur YouTube, personne ne vous demande si vous avez fait des études de cinéma. Quand vous écrivez sur un blog, personne ne se préoccupe de savoir si vous êtes diplômé en journalisme. La fonction, le titre ni les diplômes, aucun des critères de statut habituels n’ont vraiment de poids sur Internet. Ce qui compte n’est pas votre CV mais le contenu de vos contributions."

3. [« WHO MADE YOU BOSS ? »]
"Les hiérarchies sont naturelles, pas imposées. Sur tout forum web, il y a des individus plus respectés et écoutés que d’autres, et donc plus influents. Cependant, ces individus n’ont précisément été nommés par aucune autorité supérieure. Au contraire, leur impact reflète l’approbation que leur témoignent librement leurs pairs. Sur Internet, l’autorité se diffuse vers le haut, pas vers le bas."

4. [« VOS SUIVEURS VOUS ABANDONNERONT »]
"Les meneurs aident plus qu’ils ne président. Sur Internet, tout meneur est un serviteur ; aucun n’a le pouvoir de commander ou sanctionner. Des arguments crédibles, une expertise démontrée et un comportement altruiste sont les seuls leviers pour pouvoir déléguer. Sur Internet, oubliez cela et vos suiveurs vous abandonneront bientôt."

5. [« NON, PATRON, CETTE TÂCHE NE M’INTERESSE PAS »]
"Les tâches sont choisies, pas confiées. Le web est une économie de libre choix. Qu’il s’agisse de contribuer à un blog, de travailler sur un projet open source ou de partager des conseils sur un forum, les gens choisissent de travailler sur ce qui les intéresse. Chacun est un contractant indépendant, et chacun pose sa griffe."

6. [« PERSONNE NE PEUT ME FORCER A TRAVAILLER AVEC UNE GOURDE »]
"Les groupes se définissent et s’organisent eux-mêmes. Sur Internet, vous choisissez vos compatriotes. Sur toute communauté online, vous avez la liberté de vous lier avec certains individus et d’ignorer les autres, de partager en profondeur avec certaines personnes et pas du tout avec d’autres. Tout comme personne ne peut vous confier une tâche ennuyeuse, personne ne peut vous forcer à travailler avec une gourde."

7. [« DU TEMPS DE CERVEAU DISPONIBLE »]
"Les ressources sont attirées, pas allouées. Dans une grande organisation, les ressources sont allouées de haut en bas, dans une bataille politique « Soviet-style » pour le budget. Sur Internet, l’effort humain se dirige vers les idées et projets attirants (et amusants), et s’éloigne de ceux qui ne le sont pas. En ce sens, le web est une économie de marché dans laquelle des millions d’individus choisissent, à tout moment, comment dépenser cette valeur précieuse que sont leur temps et leur attention."

8. [« VOUS DEVEZ LE FAIRE VITE »]
"Le pouvoir vient du partage de l’information, pas de sa détention. Le web est également une économie du cadeau. Pour gagner en influence et en statut, vous devez donner votre expertise et vos contenus. Et vous devez le faire vite ; si vous ne le faites pas, quelqu’un le fera avant vous, et recevra le crédit qui aurait pu être le votre. Sur Internet, il y a de nombreuses incitations à partager, et peu d’incitations à conserver."

9. [« LE MONDE OFFLINE N’EST PAS REELLEMENT INTELLIGENT »]
"Les opinions s’agrègent et les décisions sont examinées par les pairs. Sur Internet, les idées réellement intelligentes sont rapidement suivies même si elles sont perturbatrices. Le web est un médium presque parfait pour agréger la sagesse de la foule, que ce soit sur des marchés à l’opinion formellement organisés ou dans des groupes de discussion décontractés. Et une fois agrégée, la voix de la masse peut être utilisée comme bélier pour pousser dans leurs retranchements les institutions du monde offline."

10. [« LES INTERNAUTES SONT OPINIÂTRES ET VEHEMENTS »]
"Les utilisateurs peuvent s’opposer à la majorité des décisions. Comme beaucoup de magnats de l’Internet l’ont appris à leurs dépens, les internautes sont opiniâtres et véhéments, et attaqueront promptement toute décision ou changement de politique qui leur semble contraire aux intérêts de la communauté. La seule façon de préserver la loyauté des utilisateurs est de leur permettre de s’exprimer sur les décisions-clé. Vous avez beau construire une communauté, ce sont les utilisateurs qui en sont les propriétaires."

11. [« L’ARGENT, C’EST TRES BIEN, LA GRATITUDE, C’EST MOINS CHER »]
"Les récompenses sont ce qui compte le plus. Le web est un manifeste du pouvoir des récompenses intrinsèques. Pensez à tous les articles de Wikipedia écrits, à tous les logiciels open source créés, à tous les conseils donnés gratuitement, ajoutez-y les heures de volontariat et il est évident que les êtres humains donneront généreusement de leur personne si on leur donne une chance de contribuer à quelque chose à quoi ils attachent réellement de l’attention. L’argent, c’est très bien, mais la reconnaissance et la joie du travail bien fait également."

12. [« DES DROITS DIGITAUX INALIENABLES »]
"Les pirates sont des héros. Les grandes entreprises ont tendance à rendre la vie insupportable aux activistes et aux agitateurs, aussi constructifs qu’ils puissent être. A l’inverse, la plupart des communautés online soutiennent régulièrement les personnes qui affichent des opinions fortement antiautoritaires. Sur Internet, les mécontents à l’affut des scandales sont souvent salués comme des défenseurs des valeurs démocratiques d’Internet, en particulier s’ils ont réussi à pirater une ligne de code qui interférait avec ce que les autres considèrent comme leurs droits digitaux inaliénables."

1 commentaires:

Anonymous Anonyme a dit...

Oui, oui. Toutefois, la vie on line met en exergue aussi bon nombres de bugs humains très classiques : surenchère égotique liée à la quête de valorisation de soi, de son image (Môôô, qu'il est intelligeeeent ce blogeur !), transmission parfois erronnée et souvent répétitive (remâchée)de l'information, recherche d'un retour d'image, même planqué derrière son pseudo ... Quel ennui. Je préfère parfois une soirée parisienne ou la rivalité et la quête absolue d'image ont au moins une voix, une odeur, un joli fessier ...
Personnellement, je ne me sens pas assez seul(e) pour aller quérir et créer l'info. et échanger en permanence virtuellement. Et pourtant, je me fais chier comme tout le monde au boulot. C'est la vie, ça aussi.
Sans être réfractaire à l'entreprise 2.0, je dirais que je n'y vois finalement pas grand chose de novateur ni d'excitant. Juste une continuité d'une maladie de civilisation incurable dont nous sommes tous plus ou moins atteints ("J'ai besoin de me ressourcer ! Je roule en Vélib' sur les trottoirs car je flippe en vélo ! Je suis hyper 2.0").
Les amis (ne sommes-nous pas tous une immense communauté d'amis blogeurs facebookés ? Une sorte de cyber-Auroville, mais en mieux ?), je vous laisse, je dois changer mon statut FaceBook pour expliquer que je suis en train de bloger puis aller sur Twitter pour expliquer que j'ai envie de faire pipi. Et bosser aussi un peu, quand même ...

12 mai 2009 à 13:01  

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